Hormone de croissance: les pratiques discutables d'un laboratoire de Pasteur
Il y a 2 jours
PARIS (AFP) — Le tribunal correctionnel de Paris a entamé mercredi l'examen des pratiques du laboratoire de recherche de l'institut Pasteur Uria, dont l'ancien directeur Fernand Dray est l'un des sept prévenus au procès de l'hormone de croissance.
Après trois semaines à passer au crible la collecte des hypophyses, ces glandes crâniennes prélevées sur les cadavres dans les hôpitaux, la justice se penche maintenant sur leur traitement par l'Unité de Radio-Immunologie analytique (Uria), chargée entre 1973 et 1988 d'en extraire l'hormone de croissance et de la purifier.
Pour l'accusation, des négligences ont été commises dans les années 80 à tous les stades : lors des prélèvements des glandes puis de leur collecte par l'association France Hypophyse, dans les procédures d'Uria et enfin celles de la Pharmacie centrale des hôpitaux, chargée de conditionner le médicament final destiné aux enfants trop petits.
Ce sont ces négligences qui expliqueraient que certaines hypophyses infectieuses soient passées au travers du filet, provoquant, après des années d'incubation, la mort à ce jour de 110 jeunes, atteints de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ).
Durant l'enquête, la juge d'instruction a fait appel à des experts pour étudier les pratiques très complexes d'Uria. Leur bilan fut accablant : ils ont relevé "un certain flou" à la réception des hypophyses congelées, l'absence d'un protocole écrit, des fiches de renseignements incomplètes ne permettant pas "un suivi convenable", des tubes de verre mal désinfectés, tout cela multipliant les risques de contamination.
A la fin des années 90, Olivier Bertrand, directeur de recherche à l'Inserm, a été l'un de ces experts appelés à la rescousse par la magistrate Marie-Odile Bertella-Geffroy.
Mercredi, à la barre, il est plus prudent.
"L'erreur", affirme-t-il, c'est d'avoir confié une étape de la fabrication d'un médicament à un laboratoire de recherche dont les techniques de purification sont par essence "moins rigoureuses" qu'un groupe pharmaceutique.
"En pharmacie, il y a un contrôle permanent, alors que dans la recherche, il y a une certaine flexibilité", insiste-t-il. "Entre les deux, il doit y avoir un mur".
[color=red]Les pratiques dénoncées "sont tout à fait acceptables dans des laboratoires de recherche mais pas dans l'industrie pharmaceutique". "Je pense qu'il travaillait très bien M. Dray, très bien pour un laboratoire de recherche, mais il n'aurait pas dû fabriquer un médicament. Mais ce n'était pas facile de dire non, et sur quels arguments ?", reconnaît-il.
Car Jean-Claude Job, l'ancien président de France Hypophyse, qui avait le monopole du traitement, a déjà expliqué comment, en 1973, il s'était tourné vers Uria parce que les groupes pharmaceutiques sollicités n'étaient pas intéressés par la production d'un médicament sans large marché.
Olivier Bertrand accepterait-il de fabriquer un médicament dans son laboratoire de l'Inserm ? : "je dirais niet aujourd'hui, mais je ne sais pas si je l'aurais dit à l'époque... il fallait être visionnaire".
Fernand Dray, se défendant avec ardeur malgré ses 85 ans, ramène maintes fois le débat sur les connaissances scientifiques d'alors, quand le prion, agent infectieux de la MCJ, était très peu connu, et quand n'avaient pas encore éclaté les crises sanitaires majeures, comme celles du sang contaminé ou de la vache folle.
"A l'époque, rappelle-t-il, il n'y avait pas l'inquiétude d'une pratique à risque; il y avait la sécurité d'une pratique où il n'y avait pas eu d'incident depuis (le début en) 1973".
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