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L’affaire de l’hormone de croissance contaminée rebondit.
Pour la première fois, un médecin prescripteur a été mis en examen.
L’institut Pasteur est mis en cause pour avoir réalisé des profits illégaux sur la vente de poudre d’hormone.
Matthieu DURAND - le 09/08/2001 - 15h38
Depuis plus de dix ans, la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, spécialiste des affaires de santé publique (sang contaminé…), mène l’instruction du dossier sur l’hormone de croissance contaminée (voir encadré). Une affaire qui rebondit avec la publication de rapports d’experts, que Le Figaro et Le Parisien ont détaillés dans leur édition du 9 août.
"L’aveuglement" du médecin
La juge Bertella-Geffroy a procédé mercredi à la mise en examen pour homicide involontaire d’une 11ème personne, révèle Le Figaro. Il s’agit pour la première fois d’un médecin, aujourd’hui à la retraite : Micheline Gourmelen, spécialiste reconnue de l’endocrino-pédiatrie. Celle-ci aurait prescrit de l’hormone de croissance à Sébastien Birolo depuis l’âge de quatre ans alors que ce dernier ne souffrait d’aucun retard de croissance. Le jeune homme est mort en 1997, à 19 ans, de la maladie de Creutzfeld-Jacob, alors qu’il mesurait 1,80 m.
"La croissance de Sébastien est normale au sens clinique et statistique", relèvent des experts dans un rapport que s’est procuré le quotidien. "Pareille initiative individuelle (de la part du médecin, NDLR) est scientifiquement, réglementairement et éthiquement inacceptable", ajoutent-ils, dénonçant "l’aveuglement de Madame Gourmelen".
Les surfacturations de Pasteur
L’institut Pasteur
surfacturait la
poudre d'hormone
qu'elle fabriquait
Le Parisien révèle, quant à lui, que l’institut Pasteur, qui fabriquait l’hormone en poudre, surfacturait ce produit à la Pharmacie centrale des hôpitaux de Paris. "Entre septembre et novembre 1985, Pasteur a perçu un excédent de 476.700 francs", note le journal, qui cite le rapport d’un expert-comptable. Un profit contraire "aux accords conclu avec la Pharmacie centrale qui prévoyaient une cession à prix de revient", relève ce dernier. La Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) est également épinglée. Elle semble avoir laissé faire cette pratique, faute de contrôle adéquat, alors qu’elle siégeait au conseil d’administration de France Hypophyse, l’association qui collectait les hypophyses (voir encadré) et les revendait à Pasteur.
L’affaire de l’hormone de croissance prend une tournure qui rappelle le scandale du sang contaminé. Comme le pointe Le Parisien, "étrangement, le produit miracle était remboursé par la Sécurité sociale mais n’avait jamais reçu en France d’autorisation de mise sur le marché".
Des prélèvements sur des cadavres suspects
L’hormone de croissance est secrétée par la glande hypophysaire, à la base du cerveau. Agissant sur les cartilages et la croissance osseuse, elle était indiquée pour les enfants souffrant de nanisme hypophysaire. Jusqu’en 1985, l’hypophyse était extraite de cerveaux de cadavres afin d’en retirer l’hormone. Elle était alors injectée sous forme de poudre aux enfants malades.
France Hypophyse se chargeait de recueillir l’hypophyse, l’institut Pasteur de fabriquer la poudre et la Pharmacie centrale des hôpitaux de Paris d’en assurer la distribution et la commercialisation. Or, des lots de poudre d’hormone seraient à l’origine de la maladie de Creutzfeld-Jacob. Ces lots ont été contaminés parce que l’hypophyse avait été prélevée sur "des cadavres suspects (personnes âgées souffrant de maladies nerveuses dégénératives, cancéreux…), en France et surtout dans certains pays de l’Est", précise Le Figaro. En mai 1985, la prescription d’hormones a été interdite et une information judiciaire a été ouverte en 1991. L’enquête de la juge a révélé que des lots contaminés ont été distribués après mai 1985, en connaissance de cause. Des dirigeants de France Hypophyse, de l’institut Pasteur et de la Pharmacie centrale ont été mis en examen.
"A ce jour, plus de 80 adolescents, traités par des hormones de croissance contaminées, sont décédées, victimes de la maladie de Creutzfeld-Jacob", indique Le Parisien dans son édition du 9 août. Mille personnes ayant reçu ce même traitement sont susceptibles de développer cette même maladie dans les années à venir, ajoute le quotidien.