@l'info: C'est la rentrée, vous vous sentez fatigués... Mais attention, entre coup de fatigue et fatigue chronique, il y a un monde
@ le +: Grosse, grosse fatigue
- Pr Etienne Masquelier, vous êtes le responsable du Centre de référence de la fatigue chronique. Quelle est la différence entre la fatigue chronique et un gros coup de pompe?
20% de la population se plaint de fatigue pour différentes raisons. Mais le coup de pompe dû à une activité intense, par exemple, n'est en rien de la fatigue chronique. Celle-ci est un syndrome, soit une association de différents symptômes dont celui de la fatigue, voire de l'épuisement (réduction d'au moins 50%de la vie sociale, professionnelle). La sensation de fatigue dure depuis plus de 6 mois et est inexpliquée par les raisons classiques; elle ne se réduit pas avec le repos.
A ce symptôme majeur sont associés des critères dits mineurs: présence de myalgies (=douleurs musculaires) ou d'autres douleurs, maux de tête (plus exactement des céphalées de tension), troubles cognitifs invalidants (problèmes de concentration, de mémoire), ainsi que la présence de ganglions axillaires et un mal de gorge du type pharyngite.
On considère que le patient a une fatigue chronique quand il y a présence du symptôme majeur et d'au moins quatre symptômes mineurs. On remarque aussi qu'un état dépressif peut être associé ou consécutif à la maladie.
- Quand peut-on exclure le diagnostic de fatigue chronique?
Il va de soi que certaines pathologies entraînent une fatigue importante, comme par exemple les maladies chroniques évolutives (sclérose en plaque, ...), une dépression sévère avec état psychotique associé ou forme de mélancolie, l'obésité morbide, ... Certains médicaments peuvent également entraîner une sensation de fatigue.
Il est important aussi d'avoir à l'esprit, lors d'un diagnostic, que certains patients vont présenter tous les symptômes d'une fatigue chronique, mais que les vraies causes du problème seront à chercher du côté psychologique. Je pense notamment aux troubles somatiques, à un état d'anxiété généralisée, ...
La fatigue chronique est souvent diagnostiquée par exclusion: c'est parce que, en présence de certains faits, on ne décèle pas d'autre pathologie que l'on peut poser ce diagnostic. Le fait que la maladie ne se "marque" pas biologiquement ne nous aide pas.
- Quelles sont les personnes susceptibles d'être touchées par la fatigue chronique?
On pense à des personnes qui auraient une réponse exagérée, mal appropriée, de leur système immunitaire suite à une infection virale. Cela s'additionne à toute une série de facteurs, comme des émotions fortes répétées. On remarque aussi que, souvent, ce sont des personnes qui ont un mode de vie hyperactif; ils fonctionnent beaucoup, sur tous les plans, pendant un certain temps puis "craquent".
- Travaillez-vous en concertation avec différents spécialistes?
Oui. Le patient est d'abord vu par un médecin interniste, qui éliminera, éventuellement, les autres pathologies. Ensuite, un psychiatre interroge le patient pour diagnostiquer d'éventuels problèmes psychologiques.
Si rien n'a été trouvé, le médecin cherche à exclure également la fibromyalgie: cette pathologie fait ressentir une immense fatigue, mais plus encore, de la douleur. C'est ce qui la différencie de la fatigue chronique
Si aucune pathologie n'a été diagnostiquée, le patient est vu au Centre de référence de la fatigue chronique, par une équipe constituée d'un médecin, d'un psychologue (qui fera certains examens psychométriques), d'un médecin spécialisé en rééducation (neurologique, locomotrice, ...), mais aussi d'une assistante sociale, car la fatigue chronique relève d'une vraie problématique sociale.
Au terme de l'évaluation, le patient est intégré dans un programme de rééducation multidisciplinaire, qui dure en moyenne 6 mois. Ce programme comprend deux lignes de conduite: le réentraînement à l'effort (exercices d'aérobic, étirements, hydrothérapies, ...) et une approche cognitive et comportementale, sorte de démarche pédagogique du patient (comment vivre avec la maladie). Les problèmes d'émotion, d'incompréhension, sont également abordés et des clés sont données aux patients pour faire comprendre à leurs proches ce qu'ils vivent.
- Quel est le pronostic de guérison?
On parle plutôt de réhabilitation. L'évolution est très fluctuante, il faut que le patient arrive à se projeter dans l'avenir, qu'il témoigne d'un certain optimisme. Clairement, il doit également se sentir soutenu par son entourage, qu'il soit familial ou professionnel (adaptation du poste de travail, par exemple).
Le patient qui a souffert de fatigue chronique sera toujours plus lent qu'auparavant. Il doit l'accepter, et la société également. C'est la seule conséquence, car il n'y a aucune conséquence vitale ou de lésion suite à une telle maladie.
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